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Étude comparative du prix des paniers de légumes en AMAP avec d’autres circuits de distribution

Publié le : 11 janvier 2024

Résultats d’études menées en 2023 sur le département de l’Isère par le réseau des AMAP isérois – Alliance PEC Isère

Autrice : Clémentine Decroix, janvier 2024

INTRODUCTION

Le prix est une question centrale de l’alimentation, il touche à la fois le consommateur et le producteur. C’est une question d’autant plus d’actualité dans le contexte d’inflation actuel. En 2023, le prix des légumes et des fruits conventionnels a subi une hausse de 16% sur l’année (Familles rurales, 2023). Ce chiffre alarmant montre bien, les difficultés d’accéder de nos jours dignement à une alimentation de qualité. Combien faut-il donc débourser pour “bien manger”?

L’accessibilité alimentaire est un enjeu sociétal pris en compte par le principe 3 de la Charte des AMAP dans le but de procurer une alimentation de qualité et accessible à tous.tes. Les AMAP ont pour fondement d’assurer un prix équitable et rémunérateur pour les paysan.ne.s. Mais comment se placent les AMAP au sein du marché de distribution alimentaire ? Sont-elles moins chères ou plus chères que les circuits-longs ou bien que d’autres circuits courts? Comment les rendre plus accessibles ? Est-ce une question de prix ou de normes sociales ? 

Plusieurs études ayant abordé ces questions ont montré que les AMAP sont des circuits abordables. La différence de prix entre les AMAP et les autres circuits de distributions varie au fil des mois. On peut voir que les AMAP apparaissent toujours moins chères que les magasins bio spécialisés et en général moins chères que les grandes et moyennes surfaces de distribution en conventionnel (Les paniers marseillais, 2013). Concernant les magasins de producteurs, les légumes en bio sont également plus chers qu’en AMAP (Mundler, 2013).

L’enquête qui suit propose de territorialiser le sujet des prix en AMAP à l’échelle du département isérois en comparant les prix en AMAP avec d’autres circuits de distribution. L’objectif de cette enquête est d’une part, de situer économiquement le modèle AMAP par rapport aux autres circuits de distribution. Et d’autre part, de fournir des éléments de communication auprès de nos partenaires institutionnels et politiques afin d’argumenter sur la légitimité du modèle AMAP comme modèle alternatif de consommation. 

Cette étude a été réalisée de juin à novembre 2023 grâce à la participation de 17 AMAP et de leurs différents paysans.nes sur l’ensemble de l’Isère. Un vrai travail de représentativité a été réalisé afin de décrire au mieux les différentes dynamiques du territoire isérois, la diversité des AMAP et de leurs maraîchers et des enseignes présentes en Isère. 

Méthodologie

Au moment de l’étude, le département isérois compte 77 AMAP réparties de manière hétérogène. Afin de représenter au mieux ces différences, la localisation des 17 AMAP sélectionnées est étroitement liées au nombre d’AMAP du territoire. Pour cela le département à été découpé en trois secteurs (Figure 1) : le secteur agglomération de Grenoble (9 AMAP participantes), le secteur Grésivaudan (5 AMAP participantes) et le secteur Nord Isère (3 AMAP participantes).

Figure 1 : Carte du département isérois représentant les communes des AMAP participantes par secteur

Le contenu du panier de légumes étant basé sur le principe de partage de la récolte, le poids du panier varie selon les excédents de production ou lors des semaines difficiles (jonction hiver-printemps). Dans le but de prendre en compte ces variations, l’étude a été réalisée pendant 6 mois avec deux relevés par mois. 

Lors de cette étude, les prix des paniers de légumes en AMAP ont été comparés avec des légumes certifiés AB en circuits longs (grandes et moyennes surfaces de distribution et magasins bios spécialisés) et des légumes en AB et conventionnels en circuits courts (magasins de producteurs et marchés). La comparaison de légumes systématique en AB pour les circuits courts n’a pas été possible du fait de l’offre actuelle de marchés bio et de magasins de producteurs bio sur le territoire. Les circuits courts et longs sélectionnés pour l’étude sont localisés dans la zone de chalandise des 17 AMAP participantes. Cette zone correspond au temps maximum (20 min en voiture) qu’un individu parcourt pour réaliser un achat. 

Pour les circuits longs, sur les 17 AMAP participantes 15 AMAP ont été comparées avec 15 grandes et moyennes surfaces de distribution dont 6 enseignes différentes et 15 magasins bio spécialisés dont 4 enseignes différentes. Les enseignes de grandes et moyennes surfaces de distribution ont été choisies en fonction de leurs prix pratiqués. Selon le palmarès d’UFC Que choisir, il a été sélectionné des enseignes de la plus abordable (E.Leclerc) à la plus onéreuse (Monoprix). Concernant le choix des enseignes de magasins bios spécialisés, ils ont été choisis selon leur échelle d’implantation en France. Cela signifie que des enseignes présentes à l’échelle nationale ont été inventoriées (Biocoop) comme des enseignes présentes localement dans l’agglomération grenobloise (Oclico). 

Pour les circuits courts, sur les 17 AMAP participantes 6 AMAP ont été comparées avec 6 magasins de producteurs différents et 5 AMAP ont été comparées avec 5 marchés différents. Ainsi, les circuits courts ont été comparés avec 7 AMAP avec des maraîchers différents dont une AMAP avec un maraîcher non labellisé AB.

Pour cela, les prix des paniers de légumes en AMAP ont été transmis par les amapiens.nes et les paysans.nes participants.es en détaillant le prix, la quantité et le prix au kilo ou à la pièce de chaque légumes. A partir du détail des paniers d’AMAP, les prix en circuits longs ont été relevés par le réseau via les drives et Clic and Collect. Pour les circuits courts, les prix ont été relevés sur place grâce à la mobilisation des amapiens.nes.

Lors des relevés dans les autres circuits de distribution, la certification AB a été privilégiée par rapport à la provenance des légumes. Une importance a cependant été donnée à favoriser les légumes produits localement parmi ces légumes AB. Dans le cas des circuits longs, les légumes non présents en AB ont été supprimés du panier afin de comparer les panier à contenu égal.

Résultats

Sur les 17 AMAP inventoriées, le prix moyen de leurs paniers de légumes de juin à novembre est de 16,73 euros. Ce prix correspond à la valeur réelle d’un panier c’est-à-dire à la somme des prix des légumes présents dans le panier (quantité*prix au kilo ou à l’unité). On voit que ce prix augmente avec les périodes de fortes productions et diminue lors des périodes de faibles productions en début et fin de saison (Figure 2). C’est ce prix réel qui a été comparé avec les autres circuits de distribution sachant que les amapiens.nes payent un prix lissé sur toute la durée du contrat aux paysans.nes (Figure 3).

Figure 2 : Prix moyen par mois du panier de légumes des 17 AMAP inventoriées de juin à novembre 2023

Les résultats ont montré qu’à contenu égal, les légumes en AB en grande et moyenne surface de distribution coûtent en moyenne 21% plus chers que les 15 AMAP inventoriées (Figure 4). Ainsi pour un panier à 10 euros en AMAP, le prix à payer en grande et moyenne surface de distribution est de 12,72 euros pour des légumes en AB. De juin à novembre 2023, les grandes et moyennes surfaces de distribution sont toujours plus chères que les AMAP avec une différence de presque 40% en août.

Figure 3 : Différences moyennes par mois du prix d’un panier de légumes en AMAP avec les autres circuits de distribution. Les paniers ont été comparés à contenu égal de juin à novembre 2023 

De même, de juin à novembre, l’équivalent en légumes en AB des 15 AMAP inventoriées coûte en moyenne 10% plus cher en magasins bio spécialisés. Ainsi pour un panier à 10 euros en AMAP, le prix à payer en magasin spécialisé est de 11,16 euros pour des légumes en AB. De juin à novembre 2023, les magasins bio spécialisés sont toujours plus chers que les AMAP.

Figure 4 : Différences moyennes du prix d’un panier de légumes en AMAP avec les autres circuits de distribution. Les paniers ont été comparés à contenu égal de juin à novembre 2023

Enfin, à contenu égal les légumes en AB et conventionnels sont en moyenne moins chers de 9% sur les 6 marchés inventoriés. L’équivalent en légumes en AB et conventionnel des 5 AMAP inventoriées coûte en moyenne 20% plus cher en juin et 6% moins cher en octobre par rapport aux marchés. 

Quant aux magasins de producteurs, de faibles différences sont observées sur les légumes en AB et conventionnel inventoriés. En effet, l’équivalent en légumes en AB et conventionnel des 5 AMAP inventoriées coûte en moyenne 7% plus cher en juillet et 6% moins cher en octobre par rapport aux AMAP.

Limites et discussions 

Cette étude montre bien les différences de prix qu’il peut y avoir entre les différents circuits de distribution. Elle met en valeur un prix concurrentiel pour les paniers d’AMAP. Au-delà du prix, il est également important de souligner tous les bénéfices apportés par le modèle des AMAP par rapport aux autres circuits de distribution.

D’une part les AMAP garantissent des produits bio ce qui n’est pas toujours le cas dans les magasins de producteurs et les marchés. Seulement 76% des légumes inventoriés aux marchés sont en AB et 28% pour les magasins de producteurs. 

D’autre part, les produits locaux sont issus d’une agriculture paysanne. Certes la labellisation bio permet de comparer avec un cahier des charges équivalent. Cependant, les légumes AB ne sont pas systématiquement locaux. Dans le cadre de l’étude, 66% des légumes en AB inventoriés en magasins bio spécialisés sont d’origine France et 70,5% pour les grandes et moyennes surfaces de distribution. Le prix payé des légumes ne reflète qu’une part restreinte de leurs coûts puisque dans le cas de nos légumes AB non français, leurs prix ne prennent pas en compte les externalités négatives liées par exemple aux émissions de CO2 émis pour leurs acheminements. Ainsi, l’agriculture paysanne défendue par les principes même des AMAP, apporte une plus-value qui ne va pas forcément être prise en compte dans l’établissement du prix. L’agriculture paysanne procure de nombreuses externalités positives environnementales (préservation de la biodiversité, régulation hydrologique et des émissions des gaz à effets de serre, …), économiques (favorise l’économie locale) et sociales (solidarité envers nos paysans.nes, éducation populaire, transparence des produits, …). Pour faire évoluer nos systèmes alimentaires vers des modes de production plus justes et durables, la prise en compte de l’ensemble de ces externalités est essentielle afin de rendre compte du coût réel de l’alimentation. 

Plus largement, cette étude a permis d’avoir un aperçu de l’offre en AB sur le territoire Isérois. En effet, la difficulté de comparer avec des produits en AB en magasins de producteurs et marchés montre une faible offre de ce type de circuit. De plus, afin de comparer à contenu égal les paniers d’AMAP, 812 types de légumes ont été supprimés sur les 3076 types de légumes distribués dans les 17 AMAP participantes de juin à novembre ce qui correspond à 26,4%. Le type de légumes correspond aux légumes distribués chaque semaine dans les paniers. Ces types de légumes ont été supprimés car ils n’étaient pas présents dans les autres circuits ou bien étaient présents seulement en conventionnel pour le cas des circuits longs. 458 de ces légumes ont été supprimés en grande et moyenne surface de distribution car ils n’étaient pas certifiés AB. Ce chiffre montre une certaine réalité de la faible offre en bio en grande et moyenne surface de distribution. Par exemple, il est très difficile voire impossible de trouver de la blette ou bien de la salade en bio en grande et moyenne surface de distribution.

CONCLUSIONS

Les résultats de l’étude de prix menée par le réseau des AMAP isérois – Alliance PEC Isère souligne bien que le modèle AMAP n’est pas un système “hors sol”. Bien au contraire, les résultats ont montré que les paniers d’AMAP sont à des prix accessibles et inférieurs aux prix de la bio en circuits longs et plus ou moins égaux aux conventionnels et bio en circuits courts tout en soutenant les paysan.nes. 

Face à la crise économique actuelle, les AMAP apparaissent être un moyen de réponse pour une consommation solidaire, juste et équitable. Cependant, malgré leurs prix attractifs, les AMAP constatent un faible engagement de consommateurs plus précaires, qui serait donc potentiellement lié à des barrières financières mais aussi sociales (Mundler, 2013). Comment rendre alors les AMAP plus accessibles ? Afin de répondre à ces problématiques, le mouvement des AMAP est rentré en partenariat avec des organismes sociaux d’accompagnement des personnes en situation de précarité et la CAF et la MSA en Isère pour accompagner et aider financièrement à l’accès de paniers à prix réduits.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le livret visuel de l’étude pour sa communication et également les ressources complémentaires en bibliographie. Vous trouverez également ici un résumé de l’étude.

Bibliographie

Familles rurales (2023) – Inflation alimentaire : il est urgent d’en finir avec les profits opaques des industriels et des distributeurs

Les Paniers Marseillais (2013) – Etude comparative du prix des fruits et des légumes biologiques en Circuits Courts Solidaires Sans Intermédiaires (CCSSI) et en grande distribution

Mundler P. (2023) – Le prix des paniers est-il un frein à l’ouverture sociale des AMAP ? Une analyse des prix dans sept AMAP de la Région Rhône-Alpes, Économie rurale

UFC que choisir (2018) – Le palmarès des enseignes de la grande distribution

Et pour en savoir plus…

Bio Hauts-de-France (2022) – Analyse comparative des prix des légumes bio en Hauts-de-France

Rastoin, JL. (2022) – Coûts cachés et juste prix de notre alimentation : entre marché, État et communs, L’Institut Agro Montpellier, Chaire UNESCO Alimentations du monde

Réseau AMAP AURA (2023) – Les vrais prix de l’alimentation et coûts cachés : alimentation en AMAP est-elle vraiment si chère que ça?

Ressources liées

Outil de communication de l’étude comparative du prix des paniers en AMAP avec d’autres circuits de distribution

Ce livret est une synthèse visuelle de l’étude.