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L’eau en agriculture : son usage, son partage et sa gestion

Publié le : 20 juillet 2023

L’eau, une ressource vitale. Quelle stratégie d’adaptation pour les paysan·nes ? Quels engagements pour préserver les ressources en eau quand on est citoyen·nes ?

Le 15 avril se sont tenues les Rencontres régionales du Réseau AMAP Auvergne-Rhône-Alpes, durant lesquelles nous avons pu prendre un temps d’échange sur la question de l’accès et la gestion de l’eau en agriculture, en présence de l’association Vayrana et de paysans du Rhône et de la Loire.

L’intention de cet échange était de prendre de la hauteur autour de cette question complexe de l’eau, de son usage, ou plutôt de son partage d’usage, de son « bon » usage : qu’entend-on par là ? L’idée était donc de pouvoir prendre conscience des enjeux multiples et cachés, car facilement insoupçonnés pour le·la citoyen·ne qui n’a qu’à pousser la poignée du robinet pour rapidement ensuite oublier de s’interroger sur l’accès à cette ressource.

Quelle place pouvons-nous prendre dans ce débat ? Nous, citoyen·es, consommateur·trices, amapien·nes préocupé·es face aux modes de production agricole et en soutien à une agriculture paysanne ?

Avant de répondre à cette question, rappelons qu’aujourd’hui dans nos réseaux la question de l’eau est omniprésente et a trois grandes entrées :

L’eau en agriculture : de quoi parle t-on ?

Pour mieux comprendre la situation aujourd’hui et les réalités différentes auxquelles sont exposées les paysannes et paysans, nous avons eu la chance d’être accompagnés de quatre paysans rhodaniens et ligériens qui nous ont exposé leurs usages de l’eau.

Nicolas, paysan dans le Forez, est producteur céréalier et éleveur de poules pondeuses. Il est porte-parole de la Confédération paysanne 42 et a travaillé sur le sujet de l’irrigation dans la Loire. Il soutient que l’eau est un sujet, de toute évidence, politique et qu’il est indispensable que les consommateurs et consommatrices s’y intéressent.

Florent, paysan à Condrieu, est maraîcher bio et commercialise sa production en AMAP. Il irrigue ses cultures avec l’eau du Rhône.

Antoine, paysan à La Chapelle-Villars, est maraîcher bio sur une ferme de 6 à 8 UTH. Il vend sa production dans deux AMAP et au marché. Il irrigue ses cultures avec l’eau des retenues collinaires (barrages).

Jean-Luc Juthier, paysan à Maclas, est producteur de pommes bio sur une ferme de 18 ha dont 12 ha de vergers (moitié pommes et moitié poires et abricots mais aussi raisins et fraises…). Il livre deux AMAP, vent à la ferme, sur un point de vente collectif, en demi-gros (groupements d’achat, magasins, restauration collective). Il irrigue avec trois sources : le réseau des eaux du Rhône, une retenue collinaire collective à Maclas et une retenue collinaire individuelle (mare).

Parenthèse sur l’acquisition foncière de la ferme, sujet tout aussi important aujourd’hui dans un contexte de renouvellement des générations qui bât de l’aile et a besoin de voir émerger d’autres formes d’installations. Le partage collectif du foncier, sous plusieurs formes, est une des solutions pour répondre à cet enjeu de renouvellement. À partir de 2014, la sécurisation du foncier de la ferme de Jean-Luc s’est faite grâce à l’achat de 10 ha de terres via un GFA citoyen (Groupement Foncier Agricole = une propriété coopérative de la terre). Les 80 sociétaires (dont quelques amapien·nes de deux AMAP) ont toutes et tous acheté des parts sociales d’une valeur unitaire de 100 euros. Au total, 54 000 euros ont été réunis. Les objectifs du GFA sont nombreux : permettre l’installation, l’acquisition et la préservation du foncier agricole pour d’autres installations, la création d’un espace test agricole avec l’ADDEAR locale pour accompagner l’installation future d’une porteuse de projet en maraichage et PPAM. Le collectif a également comme but de créer du lien, de trouver des alternatives pour favoriser une agriculture paysanne, d’entamer une réflexion sur les enjeux agricoles, de faire vivre les terres en les transformant en lieu de partage. C’est d’ailleurs ce côté social et sociétal qui a convaincu bon nombre à s’impliquer dans le projet.

Un paysan, un industriel et un particulier ont tous une consommation différente de l’eau. Le paysan arrose ou irrigue ses cultures si nécessaire, l’eau s’évapore et rattrape le cycle de l’eau. L’agro-industriel produit à bas coûts, pollue l’eau et la rejette dans les fleuves et rivières. Le particulier supporte la plus grosse partie du coût de cette pollution, cachée dans ses impôts. Car oui, il faut bien encaisser les dégâts qui coûtent cher en dépollution des rivières, gestion des déchets, maladies et autres problèmes de santé publique. La qualité de l’eau du Rhône est très discutable, des études scientifiques montrent des concentrations de maladies, de type cancer, nombreuses en aval du Rhône et de la Vallée de la Chimie (sud Lyon). L’eau de montagne, elle, peut poser de problème par rapport à une trop faible minéralisation, la concentration en calcaire des nappes phréatiques est aussi un critère de qualité à surveiller.

Le droit à l’eau, main dans la main avec le droit à la terre

Autre difficulté du système actuel : la question de l’eau est liée à la question foncière. Quand une ferme est transmise, il faut savoir que certains terrains ont des droits cadastraux à l’eau et disposent de volumes d’eau, et d’autres non. Nicolas nous explique qu’il a le droit à 30 m^3 / heure d’eau toute l’année, son voisin n’ayant, lui, aucun droit sur l’eau. Cette répartition non équitable n’est pas tenable sur la durée.

« C’est économiquement rentable de gaspiller l’eau »

Les projets de construction de réserves d’eau (« mini bassines ») sont subventionnés à 80% pour minimum trois paysans bénéficiaires. Ces projets se sont multipliés et accaparent les eaux de sources et de cours d’eau au profit de quelques-uns pour qui ce système, pourtant écocide, devient plus rentable (possibilité de pomper des volumes non limités sans sur-coût). De plus, ces projets de prélèvements massifs s’appuient sur des études contestables, car la mesure de l’état de la ressource en eau en France est lacunaire comme alerte Reporterre dans son article « Eau : la Cour des comptes étrille la gestion de l’État ».

D’autre part, aujourd’hui, quand l’on cherche à irriguer, le tarif est dégressif, en toute bonne logique marchande. Moins on consomme et plus on paye cher. Alors forcément, cela pousse à la consommation (la bonne logique marchande). C’est donc rentable d’acheter plus d’eau que de besoin et de gaspiller le surplus. Une aberration écologique. L’association Vayrana milite pour un tarif progressif : plus on consomme et plus on paye cher.

Quelles pistes d’évolutions pour une meilleure gestion de l’eau en agriculture ?

L’association Vayrana rappelle lutter pour une gestion publique de l’eau et la création de dispositifs collectifs de gestion. Cela serait une solution pour une meilleure répartition de l’eau.

Comment on attribut l’eau quand on en a de moins en moins ?

Pour l’instant, les paysannes et paysans de la Loire et du Rhône n’ont pas de problème d’accès à l’eau. Mais avoir accès à cette ressource ne suffit pas, il est essentiel d’interroger son état de pollution afin de disposer d’une ressource de qualité, qui soit cohérente avec les pratiques agroécologiques des paysans qui l’utilisent. On le rappelle, notre article sur la pollution de l’eau du Rhône par les perfluorés et notre engagement en défense des paysans : « En justice pour la défense de l’eau ».

En France, on dispose de volumes d’eau énormes, massivement utilisés pour faire des céréales pour nourrir l’élevage. En parallèle, il est difficile pour les petites fermes d’accéder à l’eau. Si on avait quatre fois moins d’eau, le système agricole pousserait à réduire sa part d’élevage, très consommateur en eau, et à augmenter les installations en maraichage, moins consommateur en eau.

La Confédération paysanne a produit un guide sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture qui propose de faire le point sur la gestions institutionnelle de cette ressource.

GUIDE GESTION DE L’EAU

Ce guide de la Confédération paysanne tente de dresser un état des lieux de la situation actuelle, de souligner des pistes de réflexion à la hauteur des véritables enjeux et de dessiner des solutions justes et réellement efficace.

Il doit accompagner au mieux les paysannes et paysans pour les aider à porter haut et fort une vision de l’agriculture pour une gestion paysanne de la ressource en eau.

Enfin, une vidéo de qui rappelle que l’agriculture doit s’adapter aux ressources mobilisables et non l’inverse en s’engageant dans une gestion responsable de l’eau : rotations des cultures, moindre recours aux pesticides, diversification…

Sécheresse : quel avenir pour l’agriculture ?

Les AMAP se jettent à l’eau pour AMAP en fêtes

L’édition 2023 d’AMAP en fêtes (la grande fête automnale des AMAP et des fermes en AMAP) fait la part belle à l’eau puisqu’on a choisit d’en faire le thème principal de cette nouvelle édition.

Parce que l’eau, son usage, son partage et sa gestion sont au cœur de nos préoccupations, nous nous saisissons collectivement de cette questions et invitons tou·tes les intéressé·es à creuser les pistes données pour aller plus loin sur cette question d’actualité. Nul doute que l’eau est un sujet politique à mettre au débat publique.

Pour cela, nous lançons, dans le cadre d’AMAP en fêtes, une grande enquête participative sur l’eau à destination des AMAP !

ENQUÊTE PARTICIPATIVE SUR L’EAU

Cette année, c’est le thème de l’eau qui est mis à l’honneur pour AMAP en fêtes. Afin de nourrir les échanges et les réflexions, le MIRAMAP et les réseaux d’AMAP lancent une enquête participative sur l’eau : son accès, son usage, les difficultés rencontrées et les solutions trouvées par les paysan·ne·s en AMAP.

Amapien·ne·s : à vos crayons ! Profitez de la prochaine distribution pour aller glaner les réponses auprès des paysan·ne·s de votre AMAP.

Votre AMAP souhaite organiser un événement pendant AMAP en fêtes du 18 septembre au 18 octobre ?

Pourquoi ne pas partager les informations récoltées dans cette enquête à l’occasion d’un apéro, d’un ciné-débat, d’une conférence, d’un atelier…? N’hésitez pas à inviter le(s) paysan·ne(s) de votre AMAP à s’exprimer sur le sujet !